Journée pédagogique avec André Antibi
Le 28 novembre dernier, le lycée franco-allemand de Sarrebruck a eu la chance de recevoir André Antibi, qui venait présenter son sujet fétiche, « la constante macabre ». Il a profité d’une journée pédagogique pour ce faire et s’est ainsi inscrit parfaitement dans la réflexion que mène notre établissement depuis deux ans sur le thème épineux de « l’évaluation ».
M. Antibi est devenu, au fil des années, une référence en matière d’évaluation. C’est un chercheur en sciences de l’éducation de renommée internationale. Il est professeur émérite à l’université Paul Sabatier de Toulouse et à l’école d’ingénieurs Sup-Aéro. Il est agrégé de mathématiques et titulaire de deux thèses, l’une en mathématiques, l’autre en didactique. Son livre paru en 2003 La Constante macabre ou comment a-t-on découragé des générations d’élèves? est une synthèse « grand public » de ses travaux, qui a eu un retentissement énorme.
Ses interventions sur le thème de « l’évaluation » ne se comptent plus : il est intervenu, par exemple, au lycée français Charles De Gaulle de Londres ou encore au lycée français de Copenhague etc.
En outre, notre établissement est, à trois titres au moins, un observatoire idéal, pour la pratique de l’évaluation. En effet, nous disposons d’un vivier d’élèves, en moyenne, plus homogène que dans un lycée de France métropolitaine. Deuxièmement, nous partageons avec les deux autres établissements franco-allemands un système de notation particulier, à la croisée entre le système allemand et français. Et enfin, notre lycée offre l’incroyable richesse de réunir deux traditions scolaires, qui ne perçoivent peut-être pas toujours l’évaluation de la même façon.
A l’heure où l’on parle également beaucoup des bienfaits de la bienveillance en entreprise, cela ne peut qu’être bénéfique d’en parler concernant l’évaluation de nos élèves. Car tous les
professeurs de cet établissement ont un but identique : la réussite de tous les élèves qui leur sont confiés.
André Antibi ne dissocie pas la question de l’évaluation de celle de la motivation des élèves.
En effet, sa méthode d’évaluation alternative a pour objectifs de redonner le goût du travail aux élèves, mais encore de limiter l’échec scolaire. M. Antibi recommande une évaluation par « contrat de confiance ». L’essentiel pour ce chercheur est que le professeur accepte de distinguer radicalement la phase de l’apprentissage et celle de l’évaluation. De même, le professeur doit avoir toujours en tête que sa mission première est de former, et non de sélectionner.
Le chercheur prit également le temps de nous préciser ce qu’est cette fameuse « constante macabre », mise au jour par ses travaux. Il s’agit de la tendance inconsciente qui habite les professeurs français, formatés par une tradition scolaire ancestrale, à toujours rechercher, parmi leurs copies, un pourcentage élevé (environ un tiers) de copies défaillantes, même au sein d’un groupe d’élèves excellents. Mais M. Antibi n’a eu de cesse de souligner, durant toute son intervention, que ce n’était nullement la faute des professeurs, conditionnés par le poids d’une culture inconsciente. De même, M. Antibi nous a mis en garde contre les amalgames habituels, qui sont autant de griefs à son encontre : non, il ne s’agit pas de prôner le laxisme ; non, il ne faut pas arrêter les notes chiffrées au profit d’autres systèmes ; non, les élèves ne seront pas évalués uniquement sur un apprentissage par coeur. Le chercheur préconise bien plutôt d’éviter les questions qui piègent dans les évaluations (il faut les réserver, et c’est même intéressant, à la phase d’apprentissage) et de fixer aux élèves des objectifs très précis, afin qu’ils sachent quoi travailler. L’évaluation « par contrat de confiance » est basée sur la restitution de questions corrigées en classe avant l’évaluation (on ne peut bien restituer que ce que l’on a, au préalable, bien compris). Tout est donc fait pour récompenser l’élève travailleur et pour améliorer la relation tissée entre les professeurs et les élèves.