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Une délégation du Lycée franco-allemand aux commémorations du 11 novembre

Une délégation du Lycée franco-allemand aux commémorations du 11 novembre

« Zwei Herzen schlagen, ach, in meiner Brust » (Goethe)

La délégation du LFA à l'Arc de Triomphe
La délégation du LFA à l'Arc de Triomphe

Nous nous retrouvons à la gare de Saarbrücken, le 10 novembre à 15h, sans vraiment nous rendre compte que nous allons assister à un tournant historique dans l’amitié franco-allemande. La caméra de SR1 nous observe, décortique nos mouvements, nous suit… Peu à peu je me rends compte que notre présence aux commémorations du 11 novembre est symbolique. Nous montons dans le ICE, le caméraman nous dit qu’ils nous rejoindra sur les Champs-Elysées. Dans le train, certains dorment, d’autres rient, bref, c’est une atmosphère d’excursions scolaires. A notre arrivée à la gare de l’Est, les caméras de France 2 nous attendent sur le quai, les premières questions du reporter fusent : « Comment vous sentez-vous maintenant que vous êtes à Paris ?», « Euh…. Nous sommes honorés » Je m’attendais à une autre question… Bref, là la représentante de l’OFAJ (Office franco-allemand de la Jeunesse) nous accueille. Nous nous rendons alors à l’hôtel qui se trouve juste en face de la gare. Apres un petit temps libre, nous allons dîner et prenons le métro en direction des quais de la Seine afin de faire un tour en bateau-mouche (petite précision : les caméras de France 2 nous suivent toujours). A notre retour à l’hôtel, nous nous effondrons sur nos lits et dormons (à ce moment les cameras ne nous suivent pas….). Lever à 6h, après une brève douche nous allons au petit déjeuner. Nous prenons le métro et nous rendons sur les Champs-Elysées, autour de notre coup un petit badge jaune, chacun a revêtu ses plus beaux habits, bref notre groupe suscite des interrogations chez de nombreux touristes et mêmes certains Parisiens, qui pourtant ne s’étonnent de rien, nous questionnent.

Samira SADAT darf auf dem Sessel des Ministers Platz nehmen
Samira SADAT sur le fauteuil du ministre de l'Éducation

Nous arrivons alors en dessous de l’Arc de Triomphe, il est grand, c’est comme s’il avait lui aussi remis ses plus beaux apparats pour cette cérémonie, il y a du bruit, beaucoup de policiers et  il fait froid. Nous attendons, passons les nombreux contrôles policiers et accédons enfin au « Terre plein central » comme le stipulent les invitations que nous ont remises les  directeurs. Il est à peu près 9h et la cérémonie ne commence qu’à 10h30. Nous sommes aux premiers rangs, à plusieurs reprises j’ai l’impression que la cérémonie commence, en fait ce n’est que la brigade franco-allemande qui s’entraine à marcher et un corps de marine qui entame les hymnes nationaux. Et là, surprise, j’aperçois le maire de Paris, Bertrand Delanoë, il se prépare à aller déposer une gerbe en dessous de l’arc, le défilé politique commence, le président de l’assemblée nationale, etc. Nous entendons alors un hurlement venant d’une des artères qui arrivent droit sur les Champs-Elysées, c’est la première dame de France qui descend d’une Peugeot aux vitres teintées. Elle est assise aux cotés de François Fillon, Valérie Giscard d’Estaing et de représentants militaires. Lorsque les politiciens se sont installés, nous entendons un rugissement qui monte les Champs-Elysées : c’est la foule qui acclame la chancelière et le président. Ils sont debout là, côte à côte, le regard concentré, le bruit fait place au silence, ils s’avancent et déposent deux gerbes, ils saluent les anciens combattants, et se tournent alors vers les Champs-Elysées, un employé de l’Elysée avance alors un pupitre, mais avant les discours il y a les hymnes, oui je dis les hymnes, car ce 11 novembre 2009 il n’y a pas que la Marseillaise qui résonne, il y aussi l’hymne allemand. Nicolas Sarkozy s’avance. Il commence à parler, sa voix résonne sur les Champs-Elysées, j’ai des frissons, il évoque la perte d’hommes pour l’Allemagne, pour la France mais aussi pour tous les autres pays qui ont participé à la première guerre mondiale. Le 11 novembre prend alors une nouvelle tournure, on ne rend plus hommage aux seuls morts français, non, on se souvient de tous ceux qui sont morts pendant cette guerre. La chancelière qui était restée sur le côté pendant le discours de son égal français, s’avance doucement vers le podium. Elle regarde alors droit vers les Champs-Elysées, se redresse et entame son discours par une salutation en français. Sa voix aussi résonne dans les champs, mais c’est lorsqu’elle commence à parler en allemand que les larmes me montent aux yeux : « Oui c’est bien la voix de la chancelière d’Allemagne que j’entends résonner dans les Champs-Elysées, oui après avoir fêté la chute du mur elle est venue à Paris fêter l’armistice ». Son discours terminé, le président et la chancelière disparaissent. La foule acclame comme si elle redemandait un bis à ce moment historique. C’était grand, c’était fort, je suis pétrifiée par le froid mais aussi à cause de mon inconscient qui me dit : »Ne bouge plus, fais continuer ce moment magique », mais la cérémonie est bien finie. Nous nous rendons alors au ministère de l’éducation, nous étions censés y déjeuner, pour être honnête je m’attendais à un déjeuner dans le self service du ministère, et c’est bien là que mon esprit de provincial m’a trompée : Les ministères n’ont pas de self ou d’équivalent, les ministères ont une salle à manger avec des plafonds de 3 mètres de haut…. Nous rentrons dans le ministère comme si on nous y attendait, les grilles sont ouvertes et nous laissent apercevoir le perron du magnifique Hôtel de Rochechouart qui abrite le ministère depuis 1829. Nous apercevons alors sur le perron les journalistes de France 2, et à leur côté le ministre, c’est  Luc Chatel en personne qui nous accueille. Il nous fait l’honneur de nous servir de guide pendant notre visite et invite même une élève à prendre place à son bureau.

Après cette visite, nous déjeunons dans cette fameuse salle à manger, et repartons la tête pleine d’images. Nous nous rendons au musée du quai d’Orsay, rentrons par une porte sur le côté, on nous colle alors des autocollants sur nos vestes et nous accédons alors à un des plus beaux musées européens consacré à l’art du XIX ème. Là encore notre esprit se remplit de peintures de Monnet, etc. Et c’est seulement à notre sortie du musée que nous nous sommes rendus compte qu’il y avait une attente de 15 min avant de rentrer, nous étions en effet rentré par « l’entrée VIP ». Nous nous promenons, nous allons revoir la tour Eiffel comme si nous voulions que son image finalise notre escapade parisienne. Nous prenons le train, et c’est presque un étonnement de ne pas voir de journalistes à notre descente du train à Saarbrücken, nous sommes dépeopolisés, et là, c’est la chute. Je rentre chez moi, je me dis tiens tu vas te voir à la télé, et là je réalise que je n’ai pas de télé chez moi, je redescends de mon nuage, et me rends alors compte de l’ampleur de notre virée parisienne. Cette journée a marqué un tournant dans l’histoire franco-allemande, enfin ces deux peuples distants à cause de leur passe historique complexe, se sont unis symboliquement en dessous de l’Arc de Triomphe à 10 mètres de moi. J’ai été témoin d’un tournant de l’histoire européenne car comme l’a dit Merkel, en Europe rien n’allait jamais lorsque la France et l’Allemagne étaient en conflit. Oui je peux le dire, j’ai été témoin de la réconciliation d’un frère et d’une sœur. Un séjour qui pour résumer, a marqué mon esprit, et m’a surtout assuré que mon identité nationale était particulière, car non je n’ai pas qu’une patrie, comme le disait Karl Jaspers : »Heimat ist da, wo ich verstehe und wo ich verstanden wurde », eh bien, je suis fière de dire qu’aujourd’hui j’ai deux Heimat : L’Allemagne et la France : la bière et le vin, les bretzels et les croissants, je suis le produit d’un mélange, d’une fusion, bref, je suis européenne.

Marie-Camille SCHOUMACHER

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